mercredi 1 juin 2016

Ne tirez pas sur le blastula s'il-vous plait!!!

 J'ai pris ma première bouffée de cigarette quand j'avais 1 jour. À cette époque, je n'étais qu'un blastula: une toute petite collection de cellules non spécifiées collée à l'utérus de ma mère, à neuf mois de mon apparition dans le monde et de mon baptême.
  Ma mère fumait des Sporstman; mon père, des Du Maurier. Mes grands-parents fumaient des Mark Ten (et collectionnaient les petits coupons pour les prix que leur loyauté à la marque leur procurerait un jour). Oncles et tantes fumaient aussi- Export A, Player's, Craven A.  Pour nous, les enfants, les jours de l'An en famille se passaient plus souvent qu'autrement à jouer très près du sol, là où un peu d'air frais subsistait. Éventuellement, les grands-parents devaient ouvrir les portes avant et arrière de leur appartement, rue Drolet, histoire de créer une bourrasque frigide d'air neuf et, ainsi, rafraîchir le party.  L'idée de ne pas fumer ne leur traversa jamais l'esprit.


  Et pourquoi l'aurait-il fait? Autre époque, autre moeurs.
  La cigarette était omniprésente et parfaitement acceptée dans la société. Les chauffeurs de bus fumaient au volant; les intervieweurs à la télé étaient toujours encadrés du halo grisâtre de leur cigarette. Mon dentiste se penchait sur moi, Gauloise au bec. On fumait dans les hôpitaux et dans les avions.  Mes professeurs du primaire fumaient en classe (et un élève avait la tâche de vider et laver leur cendrier tout comme un autre avait celle d'effacer la craie du tableau) Mon Premier Ministre (René Lévesque) fumait à la chaîne durant ses conférences de presse et même si papa Berger (Yvan Ducharme) ,  un des personnages principaux du téléroman Les Bergers avait dû être remplacé (cause: ablation d'un poumon!) ça continuait de fumer à l'écran, semaine après semaine dans le même téléroman!
En 1981, le premier ministre René Lévesque, cigarette au bec, joue au billard avec Louise Beaudoin.
  Au dépanneur, les enfants avait droit aux cigarettes Popeye aux bouts rougeoyants ainsi qu'aux pipes en réglisse dont l'incandescence étaient simulée par des "sprinkles" à gâteau colorés.  On n'aurait jamais osé présenter le Capitaine Bonhomme sans sa pipe,  Blizzard Buzzard sans son mégot aux lèvres ou Kool McKool sans son joint à la bouche (!!!)
  Autre époque, autre moeurs.
  Or voilà! Cette "époque" est la mienne- et j'ai à peine 52 ans. Je ne suis pas un retraité ni un vieux croulant. Je ne suis pas en foyer d'accueil. Je suis un membre actif de la société, toujours sur le marché du travail, payeur de taxe, qui vote à chaque élection- un gars qui a commencé à fumer à l'âge d'un jour et n'a jamais connu autre chose, biologiquement, qu'un corps infesté de toutes les toxines et excitants que la cigarette a à offrir. Mes cellules n'ont jamais existées *autrement* que dans cet état de toxicité passive/active . Le poison est en moi. Je suis lui suis corrompu depuis le tout début et aucun timbre, médicament, diète, technique d'hypnose ou quoi d'autre encore ne sera jamais parvenu à m'aider à m'en débarrasser.
   Je ne blâme personne- ni ma mère, ni mon père, ni mes grands-parents, oncles, tantes ou vendeurs au dépanneur; ni mes chauffeurs de bus, pilotes d'avion,  ministres ou Premier Ministre, dentiste ou professeurs- je ne blâme personne pour ma toxicomanie au tabac. Pas de leur faute. Autre époque, autre moeurs.
Candy cigarette display in shop.jpg
  La société a évoluée depuis. Bien. On passe quinze mille nouvelles lois pour contrer le tabagisme. Bien. On taxe le tabac à outrance histoire de décourager son utilisation. Je comprends et acquiesce même si payer si cher me fait chier. Mais bon. Bien. On cherche à protéger les enfants et nettoyer l'espace public au maximum. BIEN!
  Je vais me plier. Je vais payer. J'irai fumer loin du monde, presque en cachette comme quand j'étais gamin mais BIEN! J'accepte et j'acquiesce. Sachant toute la marde contenue dans les produits tabagers; tout le tort que cela encourt et la perte non seulement de qualité de vie mais de temps de vie qui s'y rattache- je dis BIEN!
  Mais puis-je vous demandez une simple chose s'il-vous plaît? Quand vous voyez une madame âgée ou un monsieur grisonnant qui s'allume une cigarette malgré une toux coriace; quand vous entendez quelqu'un de ma génération cracher un demi poumon mais qui s'obstine quand même à finir sa mautadite  cigarette. Quand vous avez envie de nous hurler par la tête qu'on est des cons, qu'on est dangereux, qu'on est un "cancer ambulant" et un ostie de mauvais exemple- est-ce que je peux vous demander une petite faveur?
  La plupart des héroïnomanes ont attendus des années, voire des décennies, avant de sombrer dans leur toxicomanie. Nous, enfants de fumeurs, nous n'avons jamais eu la chance de choisir. On nous a injecté le horse dès notre première cellule et notre corps n'a jamais, *jamais* JAMAIS connu un jour de pureté.
  Fais que... On peux-tu garder les jugements, les insultes et les p'tits regards dénigrants, s'il vous plait?
  On peux-tu s'empêcher de tirer le blastula à grands coups de .12 et garder sa virulence pour les compagnies qui ont tout fait pour encourager une telle dépendance?!?
  Merci!